Le cours complémentaire : le cours modeste qui a ouvert l'école à tous.

     C'est au sein de l'enseignement primaire qu'est née, dès la fin du XIX siècle, la filière la plus performante en matière de démocratisation de l'enseignement avec la mise en place d'un cursus spécifique permettant aux meilleurs élèves du primaire de poursuivre leurs études au-delà du certificat.
     Cet enseignement comprenait deux catégories d'établissements : les écoles primaires supérieures ( E.P.S ) et les cours complémentaires ( C.C), installés au sein même des écoles primaires et où enseignaient des instituteurs, pour un public d'origine modeste souvent enfants de paysans et d'ouvriers.

Echapper à la condition ouvrière

     Ainsi, jusqu'en 1940, tant pour les filles que pour les garçons, la France se couvre d'un réseau dense d'établissements qui vont dénicher jusqu'au plus profond des campagnes ou des quartiers populaires des villes, des élèves auxquels l'accès au secondaire est fermé, mais qui poursuivent cependant leurs études jusqu'à l'obtention des diplômes leur permettant une véritable ascension sociale.
     Et cela est particulièrement vrai des cours complémentaires dont la clientèle est la plus modeste. Ayant suivi des cours de français, histoire et géographie, mathématiques, physique et chimie, sciences naturelles mais aussi acquis des notions élémentaires de dessin et de travail manuel, les élèves peuvent postuler ensuite à des emplois publics ou privés qui leur permettent d'échapper à la condition sociale qui leur est normalement dévolue.

Des classes faciles à ouvrir

     Or ce mouvement s'est amplifié à partir de 1945, au moment même où la coupure entre primaire - école du peuple - et secondaire - école de la bourgeoisie - est de plus en plus dénoncée comme injuste socialement et injustifiable politiquement ( plan Langevin-Wallon ).
Aussi en 1959, les cours complémentaires connaissent leur apogée.
     Il faut dire que leur création est des plus faciles. Il suffit d'une décision de l'inspection d'académie, donc au niveau du département, pour que naisse un cours complémentaire au sein d'une école primaire. Sur place dès lors qu'un besoin émerge, instituteurs et directeurs d'école s'entendent pour dégager les moyens et obtenir de la mairie les locaux nécessaires.
L'enseignement est toujours dispensé par l'instituteur, selon des méthodes pédagogiques adaptées au public particulier des cours complémentaires, sans rupture avec celles en vigueur dans le primaire.
     Alors, malgré l'ignorance de leur performance et le mépris dont ils sont victimes de la part des professeurs du secondaire, ces enseignants ( qui n'avaient pas toujours le baccalauréat et ignoraient le latin ), réussirent à élever le niveau global des connaissances de ces enfants du peuple et à leur ouvrir, dans un cadre familier et proche, des perspectives réelles et massives de promotion sociale.
     Les instituteurs se sont battus avec leurs élèves pour les faire réussir parce que la réussite des élèves était aussi la leur et qu'ils jouaient leur réputation.
     Cette réussite est nouvelle, méconnue des décideurs et va à l'encontre de la solution alors préconisée par une majorité pour assurer une démocratisation. Aussi on démantèlera peu à peu les .Cours Complémentaires pour les intégrer dans" le collège unique ".

Une longue agonie

     Ce fut d'abord un simple changement de nom: le Cours Complémentaire devient, en 1959, le Collège d'Enseignement Général  C.E.G ), sans que sa nature en soit modifiée .
     La croissance des effectifs continue alors de façon spectaculaire: de très nombreux CEG se créent, en particulier dans les nouveaux quartiers urbains de grands ensembles caractéristiques des années 1960 et dans les zones rurales ( où l'accès aux études longues obligeait à un déracinement dissuasif.)
     Pourtant, le mouvement qui conduit à la disparition des Cours Complémentaires se poursuit avec la création en 1963, des Collèges d'Enseignement Secondaire ( CES ) dont la vocation est de regrouper tous les enfants dans un même établissement mais en maintenant des filières d'études .
     Ces C.E.S vont se généraliser jusqu'à ce que la réforme HABY de 1975 mette en place le collège unique sans filières différenciées.
Considéré comme le sésame de la démocratisation , on peut constater que le CES est loin d'obtenir les résultats qu'obtenait le modeste Cours Complémentaire.